VICENÇ BATALLA. Le film de Ladj Ly Les misérables, qui narre comme un thriller la tension entre la population et les policiers à la banlieue de Paris, a été le grand vainqueur des prix Lumières 2020 de la presse internationale en France avec trois récompenses dont celle du meilleur long-métrage. Cette domination n’a été rompue que pour le prix à la meilleure mise en scène pour Roman Polanski et son J’accuse, qui était sorti en novembre denier au milieu d’une nouvelle polémique autour du cinéaste sur des agressions sexuelles dans les années soixante-dix. J’accuse était aussi nominé au meilleur film, scénario, image et acteur (Jean Dujardin). D’ailleurs, les Césars (28 février) viennent de nominer Polanski pour la meilleure réalisation et le meilleur film.
De son côté Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Scimma, a reçu deux prix dans une soirée à l’Olympia le 27 janvier qui a marqué un saut qualitative de l’Académie des Lumières pour son 25 anniversaire et qui a été retransmise par Canal Plus+ avec un timing précis et Isabelle Huppert comme présidente de la cérémonie et qui a aussi rendu hommage aux réalisateurs franco-grec Costa-Gravas et italien Roberto Benigni.
Les misérables, présenté à Cannes où il a reçu le Prix du Jury (la Palme de Bronze), a récolté en plus du meilleur film les prix au meilleur scénario et à la révélation masculine (Alexis Manenti). Ce dernier, en plus, fait parti d’un des trois scénaristes avec le même Ly et Giordano Gederlini. Manenti et Gederlini se sont chargés de recevoir le trophée parce que Ly est à Los Angeles en train de faire la promotion comme nominé au meilleur film étranger pour les Oscars qui se déroulent le 9 février. À son tour, les producteurs Toufik Ayadi et Christophe Barral ont lu une lettre de Ly dans laquelle il reconnaît l’influence de La haine (1995), de Mathieu Kassovitz, pour son premier film de fiction dans sa cité des Bosquets, à Montfermeil.
Claire Mathon et Roschdy Zem, meilleur·e actrice et acteur
À la cérémonie des Goya, de l’académie espagnole du cinéma, le samedi dernier Les misérables était déjà primé comme meilleur film européen. Même si le magazine de référence Rock de Lux a choisi Portrait de la jeune fille en fleur meilleur film de l’année, dans une dichotomie que se dessine entre les académiciens et les critiques. Néanmoins, aux Lumières le film de Sciamma a reçu la prix à la meilleure image, à Claire Mathon, et à la meilleure actrice, à Noémie Merlant, qui est la peintre de ce portrait féministe du siècle XVIII du personnage incarné par Adèle Haenel. À Cannes, Sciama avait gagné la récompense du meilleur scénario.
Un autre film en compétition à la Croisette, Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin, a obtenu le prix de la presse étrangère au meilleur acteur avec Roschdy Zem. Zem compose le caractère juste d’un commissaire dans la ville du nord de la France qui doit élucider un meurtre, une historie basée sur un fait divers, et qui est confronté aux personnages joués par Léa Seydoux et Sara Forestier.
François Ozon et son Grâce à Dieu, bredouillé
Le prix a été remis par l’actrice Jeanne Balibar, qui a prononcé un des plus beaux discours de la soirée évoquant le rôle de chacun des cinq candidats nominés. Entre eux, Swan Arlaud pour Grâce à Dieu, de François Ozon, qui est parti bredouillé des prix pour cette fiction sur des faits réels de pédophilie de l’Église à Lyon après être nominés dans cinq catégories et avoir obtenu l’Ours d’Argent à Berlin. L’autre grand battu de la cérémonie a été Alice et le maire, de Nicolas Pariser, malgré la fine et intelligente mise en abîme des couloirs du pouvoir avec la ville de Lyon encore comme fond du décor et le travail impeccable d’Anaïs Demoustier et Fabrice Luchini.
Mention à part mérite l’intense défense que a fait le producteur de J’accuse, Alain Goldman, en recevant le prix à la mise en scène de Polanski en absence de celui. À la sortie du film, avec le nouveau scandale relié à l’auteur franco-polonais, la présentation officielle avait été annulée et malgré avoir gagné quelque mois auparavant le Lion d’Argent à Venise. Mais le film est un succès de box-office et toutes ces éléments donnent la clé pour comprendre pourquoi Goldman a élevé le trophée en signal de revendication à la fin avec la photo de Polanski sur grand écran.
Nevada et J’ai perdu mon corps
L’Académie des Lumières a décidé cette édition de ne plus doubler le prix du meilleur film avec celui du meilleur premier film. Les misérables étant nominé dans les deux catégories, cette circonstance explique que le meilleur premier film a été attribué à l’escapade des prisonniers aux États-Unis avec des chevaux pour la réinsertion Nevada, de Laure de Clermont-Tonnerre. Et qui incarnent brillamment Mathias Schoenaerts et Bruce Dern. Notre seul regret c’est que le très beau premier long-métrage de Stéphane Batut Vif Argent, Prix Jean Vigo 2019, n’était pas dans la liste.
Le film d’animation J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin, était à son tour nominé à la catégorie de mise en scène. Il ne l’a pas eu, mais sa victoire était presque écrite dans la catégorie d’animation pour cette originale histoire d’une main qui cherche son corps au milieu de mille péripéties. Clapin était non plus à l’Olympia parce qu’il prépare aussi ses options comme nominé aux Oscars et a envoyé ses remerciements par vidéo.
Moins connu des focus, Nina Meurisse a reçu le prix à la révélation féminine pour Camille, de Boris Lojkine, qui recrée avec brio le portrait de la photojournaliste Camille Lepage morte en 2014 en Centrafrique en pleine guerre civil.
Le documentaire M, Elia Suleiman et Alexandre Desplat
M, de Yolande Zauberman, a obtenu le prix au meilleur documentaire pour cette plongé de son protagoniste Menahem Lang dans le quartier orthodoxe juif plus grand au monde de Bnei Brak, à Tel-Aviv. Menahem, chanteur et acteur, y revient pour essayer de surmonter tous ses traumas de l’enfance quand il a été abusé par des adultes. Même si la narration est un peu embrouillé, le documentaire reflète vivement cette communauté qui vi isolé du monde mais cache tous les secrets possibles. En plus, Menahem réside actuellement en France et a remercié depuis la scène son travail avec Zauberman.
Elia Suleiman n’était pas à l’Olympia mais sa parabole muette It must be heaven sur un palestinien qui se sent exilé dans son pays mais aussi partout où il habite dans le monde parce qu’il fui d’être un stéréotype à gagné le prix à la meilleure coproduction internationale. À Cannes, avait reçu une mention spéciale du jury. La catégorie coproduction internationale s’est substituée à la de meilleur film francophone et la participation de la société française Rectangle Productions justifiait sa présence dans la liste des candidats.
Finalement, l’incontournable Alexandre Desplat a remporté le prix à la meilleure musique pour son travail à Adults in the room, de Costa-Gavras. Desplat est aussi à Los Angeles parce qu’il est nominé aux Oscars pour Les filles du docteur March. C’est, évidemment, Costa-Gavras qui a récupéré le trophée en son nom avant qu’on ne lui rend un de deux hommages de la soirée. L’acteur de son dernier film Christos Loulis, qui incarne l’ancien ministre de Finances grec hétérodoxe Yannis Varoufakis dans sa dénonce des méthodes liberticides de la troïka, et l’acteur français Gad Elmaleh se sont chargés de lui dédier un discours un peu chaotique à ce maître du cinéma politique.
Les hommages à Costa-Gravas et Benigni
Mais le grand discours sans besoin d’autre aide, et seulement avec la introduction musicale des ses films de la pianiste Vanessa Benelli Mosell, à correspondu à la figure incandescente de l’acteur et réalisateur Roberto Benigni. Avec un français plus que bon et un grand verve, montant et descendant les bras devant le micro, Benigni nous a régalé un des ses numéros de clown qui touchent avec sa déclaration de gratitude pour l’hommage qu’on lui faisait.
C’était aussi un bon discours au travail des 140 membres de la presse internationale qui font parti de l’Académies des Lumières, et qui représentent plus de 40 nationalités différentes. Et entre lesquelles en fait parti qui signe l’article. Pour des questions logistiques, nous étions au premier étage et pas au parterre. Et nous n’avons pas pu trinquer à la fin avec un verre de champagne parce qu’on nous a empêché de rentrer à nouveau par la porte principale. Mais on espère pouvoir le faire l’année prochaine.
Chroniques en catalan et espagnol du Festival de Cannes 2019
PALMARÈS
Film
Les Misérables, de Ladj Ly
Mise en scène
Roman Polanski – J’accuse
Noémie Merlant – Portrait de la jeune fille en fleur
Roschdy Zem – Roubaix, une lumière
Scénario
Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti –Les Misérables
Image
Claire Mathon – Portrait de la jeune fille en fleur
Révélation féminine
Nina Meurisse – Camille
Révélation masculine
Alexis Manenti – Les misérables
Nevada, de Laure de Clermont-Tonnerre
Coproduction internationale
It must be heaven, d’Elia Suleiman
Animation
J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin
Documentaire
M, de Yolande Zauberman
Musique
Alexandre Desplat – Adults in the room
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